Alexia Guggémos donne du peps à l’histoire de l’art

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Alexia Guggémos vient de publier L’Histoire de l’art pour les nullissimes avec la tâche complexe de résumer et de rendre accessible près de 40 000 ans de création. Si les éditions First se sont adressées à elle ce n’est pas par hasard. En effet, Alexia a su allier son expertise sur le sujet acquise à l’école du Louvre avec une approche pédagogique et moderne. Critique d’art, chroniqueuse (Huffington Post), auteure, elle est également experte du marketing digital culturel. Dès les années 90, Alexia Guggémos était branchée sur le net à une époque où beaucoup se demandaient à quoi internet allait bien pouvoir servir. En 1996, elle fonce et crée le premier musée virtuel : le Musée du Sourire. Devenue experte en nouveaux médias, elle a publié un guide pionnier, Les médias sociaux à l’usage des artistes. Son approche de tête chercheuse l’a amenée en 2016 à créer le prix Art Students Week afin de repérer les talents de demain. Rencontre avec une passionnée d’histoire de l’art résolument tournée vers le futur.

 

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Comment est venu le projet de L’Histoire de l’art pour les nullissimes ?

Cela a été amusant de revenir sur les fondamentaux ! Depuis dix ans, j’écris pour un hors série du magazine Femme Actuelle, une page intitulée « Les mots de l’art », un artiste y est mis en avant à travers cinq mots. Par exemple, pour Marcel Duchamp, le mot « Dada », le fameux nom trouvé à l’aide d’un coupe-papier glissé au hasard entre les pages d’un dictionnaire. Ou bien pour Jean-Michel Basquiat, le pseudonyme, “SAMO”, l’acronyme de l’expression anglaise « SAMe Old shit »… Donc j’avais déjà beaucoup de matériel. Pour une édition richement illustrée et très synthétique de L’Histoire de l’art pour les nullissimes, les éditions First cherchaient avant tout un journaliste.

Par ailleurs, j’ai mis à profit un projet personnel que j’ai avec mon fils de 11 ans : visiter les musées et retenir une œuvre incontournable par musée. Réduire une visite à un chef d’œuvre est compliqué, alors j’ai décidé de choisir un musée majeur par pays et pour chacun de retenir un chef d’œuvre du pays en question. Après la Vénus de Galgenberg, la plus ancienne figurine sculptée au monde, conservée au Musée D’Histoire Naturelle de Vienne en Autriche, et les Rubens de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg, notre prochaine destination est l’Egypte, avec le masque de Toutankhamon au futur Grand Musée Égyptien du Caire (GEM en anglais).

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Alexia Guggémos – Credit photo: Stefan Nikolaev

Quel a été votre plus gros challenge pour la rédaction de ce livre ?

Aborder l’art sous un angle grand public est une gageure. Pourtant ce travail de pédagogie est très important. Chaque mot a été pesé. De l’exigence dans la précision. Et enfin, le choix limité de 300 artistes que j’assume pleinement. La connaissance de l’histoire de l’art évolue : la découverte de Chauvet a changé beaucoup de choses. On avait des certitudes : on disait que histoire de l’art démarrait avec Lascaux, or Lascaux a été peinte en -18 000 et Chauvet c’est -35 000 ans. Pour Chauvet, c’est un ou deux artistes qui l’ont créée, le ou les Leonard de Vinci de l’époque. Mais il y a du avoir tellement d’autres choses qui n’ont pas été préservées… On se rend compte désormais de ce qui nous manque entre les deux ! Un autre phénomène, c’est la place des femmes artistes qui est réévaluée. Une nécessité aujourd’hui qu’il faut encourager. J’ai été volontairement féministe dans le discours. Camille Claudel bénéficie ainsi d’une double page dans le livre. Une œuvre de Sonia Delaunay plutôt que de Robert… Il est effarant de lire ce qui a pu être écrit par les historiens sur quelqu’un comme Berthe Morisot ! Dans leur bouche, peindre une femme et son enfant devenant un sujet « famille ».

Screen Shot 2018-02-18 at 1.52.57 PMVous êtes une pionnière du web, comment avez vous commencé ce parcours ?

En sortant de l’école du Louvre, j’ai dirigé une revue littéraire et artistique. Je travaillais avec trois graphistes lyonnais, les Trois-quarts face, qui sont partis s’installer en Amérique Latine. Pour rester connectés, en 1995, j’ai du installer un modem sur mon Mac. A l’époque, c’était compliqué. Tout de suite, j’ai perçu l’incroyable portée du numérique. De-là est née le concept d’un musée hors les murs, « le Musée du Sourire », premier musée d’art contemporain sur Internet à présenter une collection quelque peu insolite. Une pépite poétique. On en a beaucoup parlé. Ensuite j’ai voulu comprendre les mécanismes de visibilité d’un site. Un MBA sur le marketing digital m’a été utile. Puis en 1999, j’ai été déléguée générale du Festival International du Film sur Internet, le Cannes sur internet. C’était exaltant. Nous étions très soutenus par les institutions puis il y a eu la bulle internet en 2001 et tout s’est arrêté… mais j’ai bien sûr continué à m’intéresser à l’art numérique, ce que l’on appelle « digital art » en anglais. J’ai vu arriver les réseaux sociaux avec intérêt et j’ai créé l’observatoire du web social dans l’art contemporain. Cela m’a amenée à écrire un guide, Les médias sociaux à l’usage des artistes en 2011 puis 2014 (disponible en français et en anglais). Que de commentaires dubitatifs sur les réseaux sociaux pour les artistes ! J’en arrive à penser qu’il faut bien cinq ans pour que les choses s’installent. Actuellement, je mène des études de géostratégie du marché de l’art intégrant l’analyse des datas. Les tendances, nouveaux usages et talents s’y dévoilent.

Vous évoquez une mission en 2017 auprès du Ministère de la Culture, de quoi s’agit il ? La “Saison culturelle” est une campagne de communication internationale portée par le Ministère de la Culture. Pour objectif, faire découvrir une programmation culturelle française d’exception, et reconquérir le cœur des touristes. J’ai piloté une veille approfondie sur les leviers de trafic, tenté d’opérer un maillage des community managers, et identifié les influenceurs. Des personnalités engagées au profil geek comme Mirella Bouteiller, une youtubeuse mexicaine de 35 ans. Sa chaîne “Una Mexicana en Paris” est suivie par plus de 55.000 personnes et son compte Instagram enregistre près de 30.000 abonnés.

Avez-vous une anecdote à partager ?

Revenons à l’origine du Musée du Sourire. Il est né d’une rencontre dans le bus, un jour de grève à Paris en 1996. Le bus passe devant le Louvre. Discutant avec une jeune femme assise en face de moi, elle me dit ne jamais avoir visité le musée. M’étant présentée comme critique d’art, elle me demande si j’accepterais de lui faire une visite guidée. Pour rendre les choses plus ludiques, j’ai alors imaginé un parcours de mes 10 plus beaux sourires au Louvre. De celui de L’Intendant de Mari chez les Sumériens à celui de l’incontournable et attendue Joconde en passant par le sarcophage des époux souriants des Étrusques. Une merveilleuse façon de découvrir l’art par le prisme de l’émotion. Le virus du sourire n’allait plus me quitter. Contrairement aux idées reçues, la vulgarisation exige la plus grand expertise.

Logo-ArtstudentsweekVous avez également créé un prix « Art Students Week ». Pouvez-vous nous le présenter ? 

C’est une opération Instagram à laquelle je crois beaucoup : je propose aux étudiants des écoles d’art de soumettre leur travail sur une thématique donnée, la règle toute simple étant de poster leurs travaux avec la mention du hashtag de l’édition en cours, #ASW18 L’Association Internationale des Critiques d’Art (AICA) dont je suis membre, sélectionne ensuite les plus pertinents. Lors de l’édition 2017 qui était consacrée au dessin, la remise des prix a été faite au musée Delacroix à Paris, l’ancien atelier du peintre, un lieu emblématique. En novembre 2018, l’enjeu de la 3eme édition est d’avoir plus de relais de la part des écoles d’art et de l’ouvrir à l’international. Pourquoi pas les Etats-Unis. L’objectif de « Art Students Week » est de créer des passerelles. Avec Instagram, le métier de critique d’art évolue. C’est l’avenir !

smiling-people.com

https://twitter.com/alexia_guggemos

Art Students Week

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